Le Canada, qui dit aligner maintenant ses normes environnementales sur celles des États-Unis, était muet hier sur cette question.
L'Agence de protection de l'environnement (EPA) des États-Unis, l'équivalent de notre ministère fédéral de l'Environnement, a promulgué hier toute une série de normes pour réduire globalement de 95 % les émissions toxiques et de gaz à effet de serre (GES) de l'industrie pétrolière et des gaz de schiste.
Les deux industries émettaient en 2008 quelque 2,2 millions de tonnes de composés organiques volatils (COV), des molécules à l'origine du smog urbain, en plus de millions de tonnes de gaz à effet de serre. La nouvelle réglementation devrait permettre d'éviter annuellement aux États-Unis l'émission de 190 000 à 290 000 tonnes de COV, de 12 000 à 20 000 tonnes de contaminants atmosphériques en grande partie cancérigènes et entre 1 et 1,7 million de tonnes de méthane, ce qui équivaut à des émissions de 19 à 33 millions de tonnes de CO2.
Ces nouvelles normes fédérales étasuniennes, qui ciblent autant l'industrie des gaz de schiste que l'industrie pétrolière, touchent des domaines de l'activité industrielle qui n'avaient jamais fait l'objet d'une approche réglementaire aux États-Unis et au Canada.
En plus de vouloir restreindre de façon radicale les émissions fugitives de ces deux industries, l'EPA leur impose des obligations de rapport annuel, voire dans les 24 heures qui vont précéder toute opération de fracturation hydraulique afin de permettre la présence d'inspecteurs sur les lieux.
L'EPA a été obligée de promulguer ces normes à la suite d'une ordonnance d'un tribunal du District de Columbia après une poursuite intentée par deux groupes environnementaux. Obligée de procéder tous les huit ans à une révision des normes de rejet dans l'atmosphère, l'EPA a tenu des audiences qui lui ont valu 156 000 commentaires écrits.
Brûler puis récupérer
En vertu des nouvelles normes, les deux secteurs industriels devront installer des torchères pour brûler les émissions fugitives à la tête de leurs puits, en particulier lors du refoulement d'eaux et de gaz divers qui fait suite aux opérations de fracturation hydraulique. Les torchères seront aussi requises sur les équipements de stockage dans la mesure où les règlements locaux ne les interdisent pas.
Il s'agira d'une mesure temporaire, mais qui aura un énorme impact sur la qualité de l'air aux États-Unis. En effet, le méthane qui fuit des puits récemment fracturés ou des équipements de stockage de pétrole ou de gaz en fait la première source d'émissions fugitives de méthane aux États-Unis. Or, le méthane est un gaz à effet de serre au moins 20 fois plus puissant que le CO2. Mais en le brûlant, on fait passer de 20 à 1 sa capacité d'emprisonner la chaleur solaire dans l'atmosphère terrestre.
Après 2015, les opérateurs des puits de pétrole ou de gaz de schiste devront installer des équipements qui vont récupérer à 95 % ce méthane pour l'introduire dans les oléoducs afin de ne pas gaspiller cette ressource, limitée par définition. La récupération et la vente de ce méthane ainsi que les cobénéfices en problèmes de santé «évités» en raison de la réduction à 95 % des émissions toxiques des puits va générer, en tenant compte des coûts, un bénéfice net de 440 millions par année pour la société étasunienne.
Les États-Unis comptent présentement 1,1 million de puits de pétrole et de gaz naturel ou de schiste. Chaque année, on y creuse 11 400 nouveaux puits, principalement en raison de la croissance de l'industrie des gaz de schiste. Et on «refracture» environ 1400 anciens puits afin de prolonger leur vie utile. Le gaz ainsi récupéré voyage à travers ce pays dans un réseau d'oléoducs d'une longueur totale de 2,4 millions de kilomètres qui est aussi à l'origine de fuites qui devront être limitées.
Réactions
Alors que le Canada, qui dit aligner maintenant ses normes environnementales sur celles des États-Unis, était muet hier sur cette question, tout comme l'industrie nord-américaine des gaz de schiste et du pétrole, l'Association pulmonaire américaine (ALA) félicitait chaudement l'EPA pour cette avancée normative qui cible la production, le raffinage, le transport et l'entreposage du pétrole et du gaz.
L'exploration et l'exploitation de ces gisements rejoignent de plus en plus les milieux habités, notait l'ALA, une croissance «qui aurait exposé de plus en plus de citoyens à des toxiques puissants, n'eût été la promulgation de nouvelles normes efficaces et radicales».
«Nous avons été mis devant des faits irréfutables qui démontrent l'existence de menaces sérieuses à la santé humaine à cause des contaminants atmosphériques émis au cours des opérations d'extraction et de transport du pétrole et du gaz, dont le dioxyde de soufre (SO2), les oxydes d'azote (NO) et les COV, ce qui englobe notamment les benzènes et de la formaldéhyde, tout comme les émissions croissantes d'ozone troposphérique (au niveau du sol) et les matières particulaires», a expliqué le président de l'ALA, Al Rizzo.
Selon ce dernier, «ces contaminants peuvent aggraver les cas d'asthme, causer des attaques cardiaques et endommager les systèmes respiratoires circulatoires et nerveux ainsi que d'autres systèmes critiques et essentiels du corps humain. Les gens les plus à risques devant ces polluants toxiques, soit ceux qui vont profiter le plus des nouvelles normes, sont les nouveau-nés, les enfants et les adolescents. Chez les adultes, ce seront les femmes enceintes, les gens atteints d'asthme et d'autres problèmes pulmonaires, les personnes affectées par des faiblesses cardiaques, les diabétiques, les gens à bas revenus et les adultes qui travaillent ou font de l'exercice à l'extérieur.»
Les analyses des bénéfices, réalisées par l'EPA sur sa propre réforme, vont dans le même sens.
- smog,
- pétrole,
- gaz à effet de serre (GES),
- États-Unis (Pays),
- gaz de schiste
No comments:
Post a Comment